Cette note a été rédigée par l’historien Paul Bassard.
L’Hôtel de l’Union des Fabricants, 16, rue de la Faisanderie à Paris, n’est pas une résidence historique. Il a été construit sur un terrain acheté à la famille Rheims– propriétaire du 14, rue de la Faisanderie -, entre 1898 et 1901, par l’architecte Henry pour un antiquaire M. Guiraud, qui souhaitait utiliser l’enfilade des trois salons du rez-de-chaussée pour présenter ses plus beaux meubles. Il aurait, suivant la tradition orale, commandé à l’architecte de s’inspirer d’un hôtel du Marais, aujourd’hui disparu, et qui n’a pas été identifié.
De nombreux points de ressemblance existent avec le Palais de l’Élysée construit en 1718 par Mollet pour le Comte d’Évreux. Le modèle est assurément à rechercher au début du XVIIIe siècle.
Le grand soin apporté au choix des matériaux, aux détails de l’architecture, au parquet Versailles, au dessin et à l’habillage des fenêtres et porte-fenêtres montrent à la fois le désir de luxe et le bon goût de l’antiquaire et la grande beauté, faite surtout de légèreté, obtenue par un double décrochage mettant en évidence l’élément central rehaussé par un escalier de marbre blanc, d’une architecture de grande classe.
Il a été revendu, le 22 juillet 1927, à une grande dame, Mme Seton-Porter. Grande par la taille et l’allure. Grande par sa famille et ses alliances (Pierpont Morgan, Standard Oil, etc…). Grande par sa générosité, sa valeur morale et son inlassable dévouement, dont la guerre de 1914-1918 fut un des révélateurs : fondatrice, présidente et active directrice d’hôpitaux et de centres de soins mobiles, elle ne ménageait , au profit des soldats français, ni son temps, ni sa peine, ni l’argent américain qu’elle s’entendait à solliciter.
Mme Seton-Porter, qui vivait en partie aux États-Unis, en partie à Paris, et souvent ailleurs avait employé (à temps plein ou non), dit-on, sous la conduite d’un intendant, jusqu’à 24 personnes pour le service de son hôtel. Beaucoup d’aménagements intérieurs datent de son temps.
Lors de la deuxième guerre mondiale, Mme Seton-Porter se trouvait en Amérique et ne pouvait naturellement pas revenir pendant l’Occupation. Son hôtel aussi, d’ailleurs, était occupé.
Revenir en France après-guerre, retrouver un hôtel en partie dégradé, et une France transformée n’était pas, pour Mme Seton-Porter, une perspective séduisante : après avoir mis son hôtel à la disposition de ses amis ou parents américains de passage à Paris, elle se décida à vendre en 1950.
Mais pas à n’importe qui : elle voulait choisir un acquéreur qui saurait restaurer et entretenir son hôtel. Des liens d’estime et d’amitié entre Mme Porter et le Président de l’Union des Fabricants, M. Gaston L. Vuitton facilitèrent de toutes manières la transaction. L’acte de vente fut signé en juin 1951.
Tout ce qui était en état, escalier extérieur, façade, grand escalier intérieur, fut conservé. Le reste a été entièrement réaménagé. Le grand salon, en particulier, fut reconstitué. Les boiseries, dont il ne restait que les traces dans la brique nue des cloisons, furent refaites à partir de celles authentiques, qui subsistaient ailleurs sous une vilaine peinture gris-vert.
Jensens fit là un beau travail, que le Président Vuitton compléta par l’achat d’une portière faite sur carton de Le Brun pour Fouquet. Les malheurs de Fouquet profitèrent à Colbert dont les armes – la guivre – figurent en bonne place sur cette tapisserie et recouvrent celles de Fouquet : l’écureuil (on dit aussi « le fouquet »).
L’État, naguère, fit montre pour cet hôtel, d’autant de sollicitude qu’en avait eu Mme Porter : pour éviter, si l’Union des Fabricants devait un jour le quitter, sa dégradation ou sa disparition, il le classa, en partie, dans l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.
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